Un jardin envahi de Tyrannosaures
Une horde de Tyrannosaurus Rex à taille réduite viennent se désaltérer sur les berges d’un étang. Des flèches semblant avoir été décochées par des géants parsèment ce décor improbable. Pour un instant, l’observateur confronté à ce jeu d’échelle devient le Gulliver de la fable. Autour de cette clairière, cèdres du Liban, érables du Japon et rhododendrons des landes écossaises se côtoient. Ce paysage pour le moins original a été conçu par le bureau Gilbert Henchoz.
« Né des restes d’un jardin laissé à l’abandon, de l’imagination débordante des propriétaires et des contraintes naturelles du terrain, ce projet offrait un défi d’aménagement captivant » relève Franck-J. Bodenmann, partenaire de la société. Bien des promoteurs en quête de rentabilité auraient pu être tentés de racheter la propriété pour y démolir le vieux chalet délabré qui s’y trouvait et « nettoyer » la nature qui y avait repris ses droits. Les acquéreurs privés envoûtés par la magie des lieux ont su cependant percevoir le potentiel qui y était enseveli.
Au lieu de détruire le bâtiment existant, celui-ci fut rénové et compléter d’une annexe contemporaine alliant haute-technologie et confort. « Le même défi se posait donc pour le jardin. Là aussi, plutôt que de faire table rase d’anciens aménagements, nous avons préférés les réhabiliter en réinterprétant leurs usages premiers. Il s’agissait de conserver tout en mettant au goût du jour un vieux jardin alpin, une pinède, des plantations de rhododendrons ou un étang proche de la maison. »
Celui-ci illustre bien notre concept principal : une terrasse existante en pierre de St-Nicolas, posée dans les années 60, a été prolongée par un deck en bois. Celui, délicatement posé sur des pilotis aux fondations ponctuelles, permet de maximiser l’espace tout en préservant l’emprise racinaire des arbres alentours.
Cet aspect de préservation de la nature était déterminant pour l’ensemble du projet d’aménagement mais aussi de construction de l’annexe. « Il posait le plus grand défi ». En partenariat avec l’architecte (DVK architectes), il a fallu d’abord assurer la faisabilité du projet. De nombreuses négociations avec les Services de l’État délivrant les autorisations de construire ont été nécessaires pour démontrer que préservation et transformation ne sont pas forcément antagonistes. « Nous avons pu ainsi redonner de l’espace à des arbres séculaires et réhabiliter L’étang dont les eaux étaient croupissantes. Avec cet aménagement de qualité respectueux de la nature, nous avons pu sauvegarder la faune indigène (salamandres, tritons alpestres, etc.) tout en offrant un havre de détente et de contemplation », ajoute Franck Bodenmann.
Le terrain tout en déclivité posait un second défi. La propriété, juchée au sommet, domine une végétation à deux niveaux. La partie haute recueille des arbres témoins des pérégrinations des botanistes genevois des siècles passés, tandis que la partie basse est composée d’arbres indigènes. Ceux-ci descendent jusqu’au cours d’eau qui délimite la parcelle en contre-bas. La conjugaison de deux ces espaces offre un merveilleux vivier et une riche biodiversité.
« Là encore, l’aménagement à proximité de l’étang traduit bien l’esprit et l’atmosphère que nous voulions donner à ce jardin. » Une table en béton précontraint de plus de 6 mètres de long et d’un seul tenant, s’avance telle une jetée vers la canopée des arbres en contre-bas. Elle invite à la contemplation du paysage dont elle souligne la verticalité : des montagnes avoisinantes jusqu’au ruisseaux dans le lit du terrain.
Au-delà de l’opposition des nivelés, un second dialogue prend place entre nature et artifice. D’abord celui créé par l’agencement des espaces naturels. Ensuite celui qui naît de la juxtaposition des aménagements paysagers et des constructions qui viennent s’y fondre. Un treillis de camouflage, réinventé en tant que toile d’ombrage, offre à la fois une fraicheur bienvenue en été et une transition douce entre artificiel et nature. Enfin, répondant aux souhaits des clients, la nature se fait l’écrin d’œuvres d’art disséminées au gré des regards. Uniques, originales, ces dernières imposaient un mobilier équivalent. Une des raisons supplémentaires pour laquelle la table de béton ou le treillis ont été créé sur mesure. Une belle preuve de l’inventivité débridée dont peuvent faire preuve certaines entreprises de la place.
Immoluxe par le Magazine Bilan – ETE 2018